Certains syndicats n’ont vocation à représenter qu’une ou plusieurs catégories spécifiques de salariés. Compte tenu de cette particularité, les règles de mesure de la représentativité de ces syndicats sont aménagées en vue de leur permettre d’accéder à la table des négociations au sein de l’entreprise. Le point sur la question.
Qu’est-ce qu’un syndicat catégoriel ?
Représentation d’une catégorie particulière de salariés
Les statuts d’un syndicat peuvent prévoir que celui-ci n’a pas vocation à représenter l’ensemble des salariés mais seulement une ou plusieurs catégories d’entre eux. Le syndicat est alors
considéré comme catégoriel. Le fait qu’un syndicat soit catégoriel a des incidences en termes d’appréciation de la représentativité, puisqu’il est alors soumis à des règles dérogatoires, d’où un
fréquent contentieux destiné à déterminer si le syndicat relève ou non de la catégorie des syndicats catégoriels.
Le Code du travail définit deux critères cumulatifs à respecter pour qu’un syndicat soit considéré comme catégoriel et bénéficie des règles spécifiques de mesure de sa représentativité :
→ ses règles statutaires doivent lui donner vocation à présenter des candidats dans un ou plusieurs collèges déterminés ;
→ il doit être affilié à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale [C. trav., art. L. 2122-2].
Deux critères cumulatifs
→ Contenu des statuts. Le premier critère déterminant est donc les indications des statuts. Peu importe que le syndicat, en pratique, ne présente des candidats que dans
certains collèges : si ses statuts lui donnent vocation à présenter des candidats dans l’ensemble des collèges, il ne peut pas être considéré comme catégoriel, peu important qu’il n’ait, en
définitive, présenté des candidats que dans un seul collège [Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-22.733]. Les magistrats s’attachent donc à vérifier le contenu des statuts du syndicat pour vérifier
si son champ statutaire est bien catégoriel [Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 13-12.659].
→ Affiliation à une confédération catégorielle interprofessionnelle nationale. Ce second critère est impératif : un syndicat catégoriel non affilié à une telle confédération
ne pourra prétendre au bénéfice des dispositions dérogatoires, et verra sa représentativité appréciée au regard des suffrages recueillis dans l’ensemble des collèges électoraux [Cass. soc., 24
sept. 2013, n° 12-27.647].
En pratique, et en l’absence d’autres confédérations syndicales catégorielles nationales, sont seulement visées les organisations catégorielles affiliées à la CFE-CGC.
REMARQUE
Saisie par un syndicat catégoriel non affilié à une confédération interprofessionnelle catégorielle nationale, la Cour de cassation a confirmé la validité de ce second critère, considérant qu’il
ne méconnaissait pas les normes européennes et internationales [Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-19.113].
Incidence du comportement du syndicat
→ Le syndicat ne doit pas se comporter comme un syndicat intercatégoriel. Quand bien même ces deux critères légaux seraient respectés, la Cour de cassation considère que le
comportement du syndicat peut avoir une incidence sur le bénéfice ou non des dispositions dérogatoires. Elle a ainsi pris position au sujet d’un syndicat affilié à la CFE-CGC en refusant de lui
accorder le bénéfice des dispositions dérogatoires sur le fondement de deux motifs :
– le premier était que les statuts lui donnaient vocation à défendre les intérêts de la quasi-totalité des catégories de salariés ;
– le second était que le syndicat en question avait présenté des candidats dans un autre collège que celui des cadres et agents de maîtrise [Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 11-60.135].
La Cour de cassation a récemment confirmé et précisé cette position [Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 13-12.659 ; Cass. soc., 22 janv. 2014, n° 13-19.940]. En l’occurrence, les statuts du syndicat
affilié à la CFE-CGC limitaient la représentation aux salariés techniciens, agents de maîtrise, cadres et cadres dirigeants, mais deux événements survenus pendant les élections professionnelles
avaient été soulevés dans les débats pour soutenir que ce syndicat ne pouvait être considéré comme catégoriel : en premier lieu, le syndicat avait distribué des tracts dans lesquels il
revendiquait défendre tous les salariés de l’établissement. En second lieu, le protocole préélectoral avait rattaché une partie des techniciens au premier collège :
– s’agissant du contenu des tracts, la Cour de cassation a considéré que celui-ci était sans incidence sur le caractère catégoriel du syndicat ;
– s’agissant du fait que certaines catégories de techniciens étaient rattachées au premier collège, la Cour de cassation a relevé que ce rattachement résultait du protocole préélectoral et
considéré que cela n’affectait pas le caractère catégoriel du syndicat dans la mesure où il n’avait pas présenté de candidats dans ce premier collège. Sa position aurait été bien entendu
différente dans le cas contraire : il aurait alors été retenu que le syndicat se comportait comme un syndicat intercatégoriel.
→ Un syndicat intercatégoriel qui se comporte comme un syndicat catégoriel ne peut pas se prévaloir des règles favorables. Ce troisième critère jurisprudentiel attaché au
comportement du syndicat n’est cependant pris en compte qu’en vue de refuser le bénéfice des dispositions dérogatoires à un syndicat qui remplirait les conditions précitées. À l’inverse,
c’est-à-dire dès lors qu’un syndicat ne répond ni au critère statutaire ni au critère d’affiliation, il ne peut espérer obtenir le bénéfice des dispositions spécifiques aux syndicats catégoriels
au motif qu’il se comporte comme un syndicat catégoriel et ne présente des candidats que dans un seul collège [Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-22.733; voir également Cass. soc., 22 sept. 2010, n°
10-10.678].
Comment
s’apprécie la représentativité des syndicats catégoriels ?
Appréciation des résultats dans les seuls collèges où le syndicat présente des candidats
Comme évoqué plus haut, le fait pour un syndicat d’être catégoriel lui permet de bénéficier de mesures dérogatoires pour apprécier sa représentativité. Ces dérogations s’expliquent par le fait
que, par nature, les syndicats catégoriels ne présentent pas des candidats dans l’ensemble des collèges : leur représentativité est donc mesurée dans les seuls collèges électoraux au sein
desquels ces syndicats ont vocation à présenter des candidats.
Au terme du Code du travail, les règles sont donc les suivantes : « dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans
lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle
interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires
au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants » [C. trav., art. L. 2122-2].
REMARQUE
La constitutionnalité de ce texte a été soulevée lors de son adoption, certains syndicats estimant que cette dérogation créait une rupture d’égalité entre les syndicats. Le Conseil
constitutionnel a cependant considéré que les dispositions de l’article L. 2122-2 du Code du travail étaient conformes à la Constitution [Cons. const. QPC, 7 ct. 2010, n° 2010-42].
→ Règles communes à tous les syndicats. Pour être reconnu représentatif, le syndicat catégoriel doit logiquement remplir les conditions imposées à tout syndicat :
– le respect des valeurs républicaines ;
– l’indépendance ;
– la transparence financière ;
– une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts
;
– l’audience établie selon les niveaux de négociation ;
– l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;
– les effectifs d’adhérents et les cotisations [C. trav., art. L. 2121-1].
→ Règles spécifiques. Seulement, à la différence des syndicats intercatégoriels, la mesure de l’audience est réalisée sur la base des suffrages exprimés au sein du ou des
collèges que le syndicat catégoriel a vocation à représenter [C. trav., art. L. 2122-2]. Ainsi, si un syndicat n’a vocation à représenter qu’un seul collège, le seuil des 10 % des suffrages à
recueillir pour être considéré représentatif doit être atteint dans ce seul collège.
Cas particuliers
→ Le syndicat catégoriel a présenté des candidats dans plusieurs collèges. Logiquement, si le syndicat présente des candidats dans plusieurs collèges, son audience
électorale sera appréciée en fonction des suffrages recueillis dans l’ensemble de ces collèges [Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-26.693]. Un syndicat catégoriel peut en effet présenter des
candidats dans l’ensemble des collèges que ses statuts lui donnent vocation à représenter.
La question a fait débat s’agissant des syndicats affiliés à la CFE-CGC dont on considère qu’ils n’ont communément vocation qu’à présenter des candidats dans le collège cadre. Les statuts de la
CFE-CGC, repris d’ailleurs par les organisations syndicales affiliées, précisent cependant que le syndicat a vocation à représenter « tous les professionnels exerçant ou non des responsabilités
d’encadrement, de même que ceux qui aspirent à en faire partie », formulation somme toute assez large. La Cour de cassation a considéré que de telles dispositions statutaires permettaient à un
syndicat affilié de présenter des candidats dans le collège employés, précisant cependant que, pour apprécier la représentativité du syndicat, il y avait dès lors lieu de prendre en compte
l’ensemble des suffrages recueillis dans les collèges au sein desquels des candidats ont été présentés [Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-26.693].
→ En cas de collège unique. Le syndicat catégoriel peut tout à fait présenter des candidats lorsqu’il n’existe qu’un collège unique. Par définition, sa représentativité doit
alors être appréciée sur la base des suffrages recueillis au sein de ce collège unique. En pratique, les règles dérogatoires prévues en faveur des syndicats catégoriels ne peuvent alors être
appliquées.
La question s’était posée de manière intéressante s’agissant d’une entreprise comportant plusieurs établissements : trois comportaient un collège unique et seul un comportait deux collèges : un
pour les ouvriers et employés, l’autre pour les techniciens, agents de maîtrise et cadres. Le syndicat CFE-CGC n’avait présenté des candidats que dans l’établissement comportant deux collèges, et
revendiquait sa représentativité au niveau de l’entreprise au motif qu’il avait recueilli plus de 10 % des suffrages dans le collège au sein duquel il avait présenté des candidats. Sa
revendication a été écartée dans la mesure où sa représentativité au sein de l’entreprise devait s’apprécier sur la base des suffrages exprimés dans l’ensemble des collèges où il pouvait
présenter des candidats, ce qui incluait donc les collèges uniques des trois autres établissements [Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-60.239].
Comment un
syndicat catégoriel peut-il prendre part à la négociation dans l’entreprise ?
Désignation d’un délégué syndical
La représentativité du syndicat est la clef d’accès à la négociation d’entreprise. Elle permet notamment au syndicat de désigner un délégué syndical. Sur ce point, il n’existe pas de règles
spécifiques aux syndicats catégoriels. Il convient d’appliquer les règles de droit commun en matière de désignation de délégués syndicaux [C. trav., art. L. 2143-1 et s.].
Par le biais de son délégué syndical, le syndicat catégoriel dont la représentativité est reconnue dans le collège qu’il représente peut négocier des accords d’entreprise. Qu’il s’agisse
d’accords catégoriels ou intercatégoriels, certaines conditions spécifiques doivent être respectées pour que ces accords soient valides.
Négociation d’accords catégoriels
Les syndicats catégoriels peuvent négocier des accords ne visant que la catégorie professionnelle qu’ils représentent [C. trav., art. L. 2232-13].
Le syndicat catégoriel peut signer seul l’accord à condition de justifier avoir recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés dans le collège qu’il représente au premier tour des élections
professionnelles. S’il n’a pas atteint ce seuil des 30 %, l’accord devra recueillir la signature d’autres organisations syndicales de sorte que tous les signataires réunis justifient avoir
recueilli au moins 30 % des suffrages dans le collège correspondant à la catégorie de salariés visés par l’accord.
Par ailleurs, l’accord ne devra pas faire l’objet d’une opposition de la part d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans
ce même collège.
EXEMPLE
Au cours des dernières élections professionnelles, les résultats ont été les suivants :
→ 1er collège :
– CGT : 60 %,
– CFDT : 40 %.
→ 2e collège :
– CFDT : 35 %,
– CFE-CGC : 65 %.
→ [ La CFE-CGC peut signer seule un accord catégoriel spécifique aux cadres. L’accord ne pourra pas faire l’objet d’une opposition de la CFDT qui ne recueille pas les conditions de majorité dans
le second collège. En revanche, si la CFDT signe seule un accord spécifique aux cadres (ce qu’elle peut faire car elle a atteint le seuil de 30 % dans le second collège), la CFE-CGC, qui a
recueilli plus de 50 % des suffrages dans ce même collège, peut faire valoir son droit d’opposition.
Négociation d’accords intercatégoriels
Mais le syndicat catégoriel peut également négocier, avec les syndicats intercatégoriels représentatifs au sein de l’entreprise, des accords collectifs intéressant l’ensemble des salariés de
l’entreprise. Il n’est pas nécessaire qu’il établisse sa représentativité au sein de toutes les catégories du personnel [Cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-14.391].
ATTENTION
Pour apprécier les conditions de validité de l’accord, à savoir le fait qu’il peut être signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des votes au premier tour
des dernières élections professionnelles, l’audience électorale du syndicat catégoriel doit être prise en compte en la rapportant à l’ensemble des collèges électoraux.
Un syndicat catégoriel ne peut en revanche signer seul un accord intéressant l’ensemble du personnel, même s’il a atteint le seuil de 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections
professionnelles [CA Versailles, 6e ch., 22 janv. 2013, n° 12/00341] : en l’occurrence, le litige portait sur un accord intercatégoriel signé par la CFE-CGC, au sein d’une entreprise dont les
cadres et agents de maîtrise représentaient plus des trois quarts du personnel. La CFE-CGC avait présenté des candidats dans les collèges cadres et agents de maîtrise et avait recueilli, sur
l’ensemble de l’entreprise, 35 % des votes : quand bien même son audience électorale la plaçait en position représentative, les juges se sont attachés aux statuts du syndicat qui ne lui donnaient
pas vocation à représenter l’ensemble des salariés de l’entreprise.
Règles
particulières aux syndicats de journalistes
Il existe des dispositions spécifiques en matière de représentativité des journalistes. Le Code du travail prévoit en effet la possibilité de créer, au sein des entreprises et agences de presse,
un collège électoral spécifique aux journalistes professionnels.
Si tel est le cas, la représentativité de l’organisation syndicale à l’égard des salariés relevant du collège « journalistes » est appréciée sur la base des suffrages exprimés dans ce collège, le
syndicat devant recueillir au moins 10 % des suffrages au sein de ce collège [C. trav., art. L. 7111-7].