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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 17:42

Par Juritravail

Un employeur ne peut refuser une formation à un salarié en raison de son âge avancé et de la proximité possible de son départ à la retraite. Cela vaut même lorsque la formation dont il souhaite bénéficier implique un investissement conséquent de la société supposant pour être amorti, une poursuite de la carrière professionnelle de l'intéressé pendant plusieurs années.

Dans cette affaire une société de transport aérien a refusé une formation sur un avion de ses salariés pilotes s'approchant de l'âge de la retraite. Des dispositions conventionnelles applicables au pilote et à l'entreprise en vigueur prévoyaient que le type de formation dont il était question ne pouvait être accordé que si la durée d'affectation à l'avion de l'officier naviguant concerné était respectée. S'appuyant sur l'arrivée prochaine de l'âge de départ à la retraite du pilote, alors fixé à 60 ans (avant l'écoulement de la durée minimale d'affectation), la société a refusé sa demande de formation. Le salarié pilote estimant qu'il lui était possible de différer l'âge de sa cessation d'activité à 65 ans en raison de dispositions légales le lui permettant sous certaines conditions, a saisi le juge des référés afin de faire cesser le trouble occasionné par la discrimination fondé sur l'âge dont il estime être l'objet.

La Cour d'appel considère que le comportement de la société ayant eu pour effet d'écarter le salarié de la campagne de qualification sur un nouvel avion relève d'une discrimination fondée sur l'âge. Elle condamne l'employeur à cesser le trouble illicite causé au salarié en l'inscrivant au programme de formation demandé lors de la prochaine campagne, outre le paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts.

La Cour de cassation confirme la décision des juges d'appel et rappelle que l'article L1132-1 du Code du travail interdit qu'une personne fasse l'objet d'une mesure de discrimination, directe ou indirecte, notamment en matière de formation, de qualification ou de promotion professionnelle, en raison de son âge. A l'appui de leur décision, les hauts magistrats constatent que l'employeur n'apportait aucun élément faisant apparaître que le refus opposé au salarié était justifié par un objectif légitime.

Les juges étoffent la motivation de l'arrêt en expliquant que l'argument de la société relatif à la rentabilité du coût de la formation, selon lequel le navigant qui a atteint 60 ans serait susceptible de ne pas renouveler sa demande annuelle de poursuite de son activité jusqu'à l'expiration de la durée minimale d'affectation ou de ne plus pouvoir assurer des vols, suite aux visites médicales auxquelles il est soumis, est inopérant.L'analyse des juges s'appuie sur le caractère général des motifs invoqués au soutien du refus de la société. Pour eux, tout navigant peut, à un moment quelconque de sa carrière et quel que soit son âge mettre fin au contrat de travail qui le lie à la société ou ne plus être autorisé à piloter en raison d'un problème de santé constaté lors d'une visite médicale, alors qu'il a pu bénéficier d'une récente qualification non encore amortie. L'ensemble des éléments réunis et exposés est donc de nature à caractériser une discrimination fondée sur l'âge constitutive d'un trouble manifestement illicite.

Ce qu'il faut retenir : l'employeur ne peut pas se fonder sur l'âge d'un salarié pour le traiter différemment des autres salariés plus jeunes au regard de ses droits à formation même lorsqu'il invoque au soutien de sa décision un objectif de sécurité publique. Ainsi, le fait qu'un salarié approche l'âge de la retraite et qu'il puisse ainsi présenter plus de chance d'interrompre sa carrière que d'autres ne justifie pas que sa candidature ne puisse être retenue dans le cadre d'une formation soumise à une condition de durée minimale d'exercice.

L'âge n'est pas le seul motif discriminatoire illicite, le Code du travail établit une liste exhaustive de motifs discriminatoires interdits. Lorsqu'une décision ou un comportement de l'employeur révèle une discrimination, le salarié victime peut agir pour faire cesser le préjudice qui lui est causé. Un syndicat peut également agir sur le fondement d'une discrimination dans le cadre d'une action en substitution.



Référence : Cass. Soc. 18 février 2014, n°13-10294

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